Les discours patriotiques

Les discours patriotiques faits sur la scène des grands spectacles, notamment à Montréal et à Québec, mais aussi dans le cadre des plus petits spectacles de toutes les régions du Québec, sont l’un des moments les plus significatifs de la fête nationale. Il s’agit pratiquement du seul moment de réflexion sur le sens de la fête, sur le passé, le présent et le devenir de la nation. Les discours patriotiques se font sous différentes modalités selon qui le prononce, mais est le plus souvent inspirant, comme le montrent les quelques extraits qui suivent.

Jean Duceppe à Montréal en 1990

Julien Poulin en 1998

Louise Portal en 2000

Raymond Bouchard à Montréal en 2006

Sylvie Léonard à Québec en 2006

Luc Picard à Québec en 2007 et Fred Pellerin à Montréal en 2007

Emmanuel Bilodeau et Loco Locass à Montréal en 2008, « Les Géants »

Mireille Deyglun et Stéphane Crête à Québec en 2010

Marcel Sabourin à Montréal en 2011

Paul Piché à Québec en 2012

Anne-Marie Olivier en 2013

Michel Rivard en 2017

Marie-Mai en 2021

Léane Labrèche-Dor en 2023

Anne-Marie Alepin en 2024

Les origines patriotes

Cette tradition remonte aux origines de la fête politique, soit au premier banquet patriote de 1834, où une série de « toasts » furent faits en l’honneur de différents principes, hommes politiques et peuples desquels les sympathisants patriotes de l’époque s’inspiraient. Voici d’ailleurs le compte-rendu fait par Ludger Duvernay dans son journal La Minerve, le 26 juin 1834, Duvernay qui fut lui-même l’instigateur de cette tradition de la fête nationale:

« MARDI dernier, jour de la Saint-Jean-Baptiste, eut lieu à Montréal une réunion nombreuse et respectable pour célébrer la fête patronale des Canadiens. Les convives étaient au nombre de près de 60, et se composaient d’Irlandais, d’Américains et de Canadiens. — M. Viger, Maire, fut élu président, et M. John Turney, écuyer, ci-devant membre du Conseil de Ville, vice-président.

Après la santé loyale d’usage, les toasts suivants furent proposés par le président :—

  1. Le peuple, source primitive de toute autorité légitime.
  2. Le jour que nous célébrons.
  3. La Chambre d’Assemblée du Bas-Canada, l’organe fidèle du peuple canadien.
  4. L’hon. Louis-Joseph Papineau, orateur de la Chambre d’Assemblée, habile et zélé défenseur des droits du peuple.
  5. Louis Bourdages, écuyer, doyen de la Chambre d’Assemblée, le Nestor canadien.
  6. Elzéar Bédard, écuyer, représentant du comté de Montmorency, premier maire de Québec, moteur des 92 résolutions sur la province, et les 56 membres qui ont formé la glorieuse majorité qui les a votées.
  7. O’Connell et nos compatriotes irlandais.
  8. Jocelyn Waller. [en silence]
  9. Daniel Tracey, et les trois victimes du 21 mai. [en silence]
  10. MM. D.-B. Viger et A.-N. Morin, nos agents en Angleterre.
  11. MM. Hume et Roebuck et les autres membres libéraux de la Chambre des Communes qui soutiennent nos intérêts.
  12. MM. W. L. Mackenzie, Bidwell et les autres réformistes du Haut-Canada.
  13. MM. Carson, Blanchard et Morris, et les autres réformistes des colonies anglaises.
  14. Le gouvernement des États-Unis. — Il excite l’admiration et l’envie de l’univers.
  15. Le Gén. Lafayette. [en silence]
  16. Joseph Papineau, écuyer, doyen des notaires de cette province, et un des deux membres survivants du premier Parlement du Bas-Canada. A son âge patriarcal, 82 ans, jouissant encore de toute la force de son génie, il a le bonheur de voir son fils, l’orateur de la Chambre d’Assemblée, marcher sur ses traces dans la carrière parlementaire, et de voir le peuple et la jeunesse du pays adopter et suivre les principes qu’il a soutenus dans le Parlement et hors de son enceinte.
  17. Jacques Viger, premier maire de Montréal, et le Conseil-de-Ville de la cité de Montréal. Puissent-ils continuer aussi bien qu’ils ont commencé!
  18. Bonaventure Panet, de Lachenaie, un des deux membres survivants du premier Parlement de ce pays. Nouveau Cincinnatus, après avoir servi son pays à la tribune et dans le camp, il consacre ses vieux jours à cultiver le sol qui le nourrit.
  19. W. L. Mackenzie, écuyer, premier maire du Haut-Canada et le Conseil-de-Ville de Toronto; là comme ici et à Québec le peuple s’est distingué par son choix judicieux dans la composition du premier corps municipal.
  20. La liberté de la presse et les presses libérales du pays et des provinces voisines.
  21. Le Canadien de Québec, seul organe fidèle des habitants de son district. Puisse-t-il, par la puissance de la vérité qu’il exprime si dignement, étouffer les faux exposés et les calomnies de ses antagonistes.
  22. L’émigration. puissent les milliers de sujets britanniques qui viennent chercher chaque année sur nos plages un asile contre les abus et l’oppression qu’ils éprouvent dans leur pays natal, n’en pas créer parmi nous et trouver ici l’accueil qui leur est dû! Ils formeront avec les habitants du Canada une phalange impénétrable et irrésistible contre la tyrannie.
  23. Le clergé canadien et ses évêques. Puissent-ils toujours être unis et donner le bon exemple à leurs ouailles. Ils seront soutenus et respectés en faisant cause commune avec la Chambre d’Assemblée et le peuple.
  24. La Convention du District de Montréal. Le peuple a confié à ses membres le soin de veiller à ses intérêts qui ne seront pas négligés.
  25. Les Assemblées constitutionnelles des trois districts qui ont soutenu les procédés de la Chambre d’Assemblée sur l’état du pays; et ceux qui ont fait signer la requête à l’appui des demandes de l’assemblée. Honneur à ceux qui ont défendu les droits du peuple, avec autant de patriotisme, de zèle et de désintéressement.

Il est inutile de dire que ces toasts furent accueillis avec enthousiasme, ainsi que les toasts volontaires dont voici les principaux :

  1. M. Duvernay, président de la société « Aide toi, le Ciel t’aidera », qui a donné l’idée de cette fête et qui en a surveillé les préparatifs.
  2. « Aide toi, le Ciel t’aidera ». Cette société naissante, composée de l’élite de notre jeunesse, fait concevoir les plus flatteuses espérances.
  3. Notre Vice-Président John Turney, écuyer, c’est à bon droit qu’il jouit de l’estime et de la confiance de ses concitoyens. Il leur a rendu des services éminents, et il le fera encore dans l’occasion.
  4. La Compagnie canadienne de commerce en commandite de Montréal. Ses succès ont surpassé son attente. Puisse-t-elle continuer de recevoir l’appui qu’elle mérite.
  5. Le Bureau médical de Montréal. Sa composition a reçu l’approbation du pays; faut l’espérer, la prochaine élection ne changera rien à l’esprit qui l’a dirigé et animé.
  6. Le corps des Marchands détailleurs canadiens de Montréal. Il se distingue par son intégrité et son patriotisme.
  7. Les prêtres libéraux de ce district. Ils sont heureusement pour le pays en grande majorité.
  8. L’agriculture, principale source des richesses de ce pays. Honneur à ceux qui s’y livrent.
  9. Les colonies anglaises de l’Amérique du Nord. Elles sortent de leur assoupissement pour réclamer leurs droits. Puissent-elles les obtenir.
  10. La 2e Compagnie des Carabiniers volontaires de Montréal et M. de Bleury, son capitaine. Leur belle discipline et l’esprit qui les anime offrent des garanties de leur conduite, lorsque le pays aura besoin de leur secours.
  11. Les artisans et classes ouvrières de Montréal et de ce pays en général. Puisse l’éducation continuer de se répandre parmi les membres utiles de la société; et puissent-ils se procurer le bien-être et l’aisance que méritent leurs travaux.
  12. M. Wm. Evans, cultivateur, de la Côte Saint-Pierre. Pendant plusieurs années, il a occupé avec honneur et avec succès la place de secrétaire de la Société d’Agriculture de ce district. Le peuple et la classe agricole n’oublieront jamais ses grands services.

Ces toasts étaient entremêlés de musique, et il fut prononcé plusieurs discours, entre autres par M. le Maire et par MM. : T. S. Brown, C.-O. Perrault, de Bleury, Lafontaine, E.-E. Rodier, (ces trois derniers, membres du parlement), Dr. O’Callaghan, Létourneux, (membre de la Maison canadienne), Sicotte, Turney, Senr. Laberge, Dr. Vallée et Gosselin. Le Président et MM. O’Callaghan et E. E. Rodier eurent occasion de s’adresser plusieurs fois à l’assemblée.

Il fut chanté plusieurs chansons par le maire, M. Turney, et par plusieurs autres messieurs; M. George Cartier chanta aussi une chanson qu’il avait composée pour l’occasion. Les couplets suivants, dont l’auteur garde l’anonyme, furent livrés au président qui en fit la lecture :

SAINT-JEAN-BAPTISTE, à ta mémoire
Nous avons consacré ce jour;
Nous voulons servir à ta gloire,
Tu dois nous servir à ton tour.
Nous demandons à ta puissance
D’aider nos efforts et nos vœux.
Quand nous aurons besoin d’implorer leur clémence,
Sois notre intercesseur entre nous et les cieux.

Le monde les dit redoutables
Ces Français dont nous descendons;
Mais si ce n’était pas des diables
Grâce à Saint-Jean nous les vaudrons:
Ils ont frappé la tyrannie
Nous saurons l’abattre comme eux.
Si le sort désignant une race ennemie
Veille sur nous, Saint-Jean fais-nous victorieux.

L’Honneur, la Gloire et la Patrie
N’emportent pas tous nos penchants.
Nous réservons à notre amie
Amour, plaisir, doux sentiments.
Au Canada comme à sa belle
Chacun jure fidélité,
Et demande à Saint-Jean que l’une soit fidèle
Et que l’autre s’éveille au cri de LIBERTÉ.

La plus grande gaieté régna pendant toute la soirée. Le dîner préparé par Jehlen était splendide. Les tables étaient placées dans le jardin de M. McDonnell, avocat, qui avait eu la politesse de l’offrir pour cette fête champêtre. Les lumières suspendues aux arbres, la musique et l’odeur embaumée que répandaient les fleurs, la beauté du site, tout tendait à ajouter au charme du spectacle.

Cette fête, dont le but est de cimenter l’union entre les Canadiens, ne sera pas sans fruit. Elle sera célébrée annuellement comme Fête Nationale, et ne pourra manquer de produire les plus heureux résultats. »

Source: http://biblio.republiquelibre.org/Banquet_de_la_Saint-Jean-Baptiste_à_Montréal_le_24_juin_1834

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